Représentation collective, défense des droits des travailleurs des plateformes : cela se concrétise

L’autonomie d’un régime spécifique des travailleurs indépendants des plateformes se consolide, dans la loi, avec la mise en place, par ordonnance, d’une représentation collective et de défense des droits, des intérêts et des conditions de travail des travailleurs indépendants des plateformes.

Quelles nouvelles pour la défense collective des droits, des intérêts et des conditions de travail des travailleurs indépendants des plateformes ?

Il s’agit pour les travailleurs indépendants des plateformes (chauffeurs VTC, livreurs à vélo, etc.), dont le statut, souvent réinterrogé, n’est ni le salariat ni l’indépendance à part entière, d’élire des représentants dès 2022, dans la perspective de mettre en place un « dialogue social », entre ces travailleurs et leurs donneurs d’ordre, plateformes.

Il est question de créer et de réguler un écosystème social collectif et spécifique, qui serait plus adapté à ce mode de relations sociales. Ce « modèle social » emprunte au régime de l’indépendant et, par des liens de dépendance économique et technologique (plateformes numériques organisant le lien entre la plateforme, le client et le travailleur) et à celui des salariés.

L’ordonnance établit une architecture et un process de dialogue social entre les travailleurs et les plateformes.

° Mise en place d’un régime collectif de représentation des travailleurs indépendants des plateformes (VTC, livreurs à domicile, etc.) avec l’ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation.

La mission METTLING privilégiait, dans le prolongement du rapport FROUIN, un dialogue social par secteur d’activités économique de chaque plateforme.

L’ordonnance confirme la position. Cette élection, par vote électronique, serait limitée au secteur des VTC et des livreurs (déjà à L. 7341-1 du Code du travail), soit une douzaine de plateformes.

Est prévue, la création d’une autorité nationale des relations sociales des plateformes d’emploi (Arpe), garante de l’organisation des élections et de la protection des représentants élus en cas de rupture du contrat de travail, tout en jouant un rôle de proposition sur les pratiques et la régulation sociale des plateformes.

Le dialogue social spécifique des intérêts, droits et conditions de travail de ses travailleurs pourrait pouvoir s’ouvrir, fort de « représentants élus », dès le second semestre de 2022.

Autres caractéristiques du régime de mandat et électif  : un mandat de deux ans des représentants. Les électeurs seraient les travailleurs ayant eu trois mois de chiffre d’affaires au cours des six mois précédant la date à laquelle la liste électorale est établie. Un seuil de représentativité fixé à 5 % des suffrages exprimés, relevé à 8 % ensuite.

La formation et les heures de délégations des représentants seront financées collectivement par les plateformes.

Des thèmes de dialogue social identifiés : modalités de représentation et de dialogue ; les conditions d’exercice de l’activité, les modalités de détermination du revenu des travailleurs, dont le prix ; les conditions de travail et risques professionnels ; les modalités de partage d’informations et de dialogue sur les conditions d’exercice, leurs modalités de changement ; la qualité de service attendu et les modalités de contrôle de sa réalisation ; les circonstances conduisant à une rupture des relations commerciales et les garanties des travailleurs afférentes. Rien sur la protection sociale…

Un accord devra pouvoir réunir 30 % au moins des suffrages exprimés et ne pas se heurter au véto des organisations représentant au moins 50 %. Pour les plateformes : signature par au moins une organisation représentative et absence de véto de celles représentant au moins 50 % des travailleurs.

° Mieux encadrer l’exercice des activités des plateformes d’intermédiation numérique dans divers secteurs du transport public routier (Ordonnance n° 2021-487 du 21 avril 2021 relative à l’exercice des activités des plateformes d’intermédiation numérique dans divers secteurs du transport public routier et du transport routier de marchandises)

A la mi-mars, la Ministre de l’emploi, Elisabeth Borne avait remis le rapport de la mission sur “la représentation des travailleurs indépendants et le dialogue social au sein des plateformes numériques d’emploi”.

En prolongement de ce rapport et de la seconde ordonnance parue également ce 22 avril, une ordonnance, relative à l’exercice des activités des plateformes d’intermédiaire numérique, « encadre » l’activité des plateformes d’intermédiation numérique dans les secteurs du transport public routier collectif de personnes à titre occasionnel et du transport routier de marchandises.

Sont concernées plusieurs activités : livraisons à domicile, déménagements, transport lourd de fret, voyages touristiques par autocar, …

L’ordonnance distingue deux types de plateformes selon que l’opérateur numérique intervient ou non dans la relation commerciale entre le transporteur et le client. Elle prévoit un régime juridique adapté aux spécificités de chacune de ces deux situations :

Pour les plateformes n’intervenant pas dans la relation commerciale, le texte dispose qu’elles se déclarent auprès de l’autorité administrative. Pour les plateformes qui interviennent dans la relation entre le client et le transporteur, sont prévues des conditions d’accès à l’activité d’intermédiation :

Conditions d’exercice de l’activité des plateformes d’intermédiation numérique

Ces dernières sont responsables de la bonne exécution des obligations résultant du contrat de transport, sans préjudice du droit de recours contre l’entreprise de transport ayant réalisé la prestation. Les opérateurs de plateforme sont tenus de vérifier que les acteurs proposant un service de transport auxquels ils font appel respectent les règles d’accès à la profession qui leur sont, le cas échéant, applicables, et qu’ils possèdent les documents nécessaires à l’exercice de leur activité.

Est créé un registre public des opérateurs de service numérique de mise en relation commerciale de transport public routier entrant dans son champ. Chaque clients professionnels et transporteurs recourant à ces plateformes vérifieront que ces dernières sont bien inscrites sur ce registre.

Institution d’un dispositif de contrôle et de sanctions associant un élargissement de l’habilitation des contrôleurs des transports terrestres et un recours élargi aux sanctions administratives. L’objectif étant de permette de s’assurer du respect des obligations prévues par le projet de texte.

° Décret n° 2021-501 du 22 avril 2021 relatif aux indicateurs d’activité des travailleurs ayant recours à des plateformes de mise en relation par voie électronique (JO 25.04.2021)

A partir de mars 2022 : contrôle du travail et des travailleurs, obligations des plateformes (transparence) de publier sur leur site internet, de manière loyale, claire et transparente, des indicateurs relatifs à la durée d’activité et au revenu d’activité de ses travailleurs, au cours de l’année civile précédente ; définition des données utilisées pour calculer les indicateurs (durée d’une prestation, revenu d’activité et temps d’attente avant de recevoir une proposition de prestation) ; précision sur la méthode de calcul des indicateurs et sur les modalités de publication (1er mars de chaque année, selon un format fixé par arrêté) ; fixation de la liste des indicateurs à publier ; durée de conservation, par les plateformes (3 ans), des documents servant de fondement au calcul des indicateurs ; sanctions de l’article D. 1326-3 du code des transports. Également, durée d’une prestation et de revenu d’activité, ainsi que celle de temps d’attente avant de recevoir une proposition de prestation, utiles pour calculer les indicateurs.