Plateformes numériques : à quand des droits sociaux pour les travailleurs !

Le rapport “Réguler les plateformes numériques de travail”, dirigé par Jean-Yves Frouin, a été remis au Premier ministre le 1er décembre dernier.

Ses nombreuses préconisations laissent entrevoir des évolutions positives pour les droits des travailleurs de ce secteur, mais l’UNSA estime que les plateformes ne sont pas suffisamment mises devant leur responsabilité.

L’UNSA avait été auditionnée dans le cadre de la préparation de ce rapport et avait défini des préconisations claires, que ce soit concernant le statut des travailleurs des plateformes (chauffeurs VTC, livraison de repas…) ou sur le dialogue social à installer au sein de ce secteur.

L’UNSA voit d’un bon œil que le rapport écarte d’emblée la création d’un troisième statut, entre le salariat et le travail indépendant, spécifique aux travailleurs des plateformes. En effet, entre autres effets négatifs, ce tiers-statut pourrait, comme le souligne le rapport, entraîner un nivellement par le bas en raison d’ « effets d’aubaine incitant les entreprises à transformer de l’emploi salarié en emploi sous ce nouveau statut ».

L’UNSA estime également que ce troisième statut pourrait servir de « véhicule » à la mise en place d’un « statut commun pour toutes les formes de travail », idée esquissée en toute fin du rapport.

L’UNSA rejette fermement ce statut unique qui revient nécessairement à remettre en question cette distinction entre travailleurs salariés et non-salariés, alors que la subordination juridique doit demeurer le critère, fondé sur un faisceau d’indices, permettant de distinguer les travailleurs salariés des indépendants, avec les conséquences de droit sur la nature et le contenu de leurs garanties sociales. L’idée d’une requalification des travailleurs en salariés, rejetée au préalable par les initiateurs de la mission Frouin, n’a pas été étudiée dans le rapport. L’UNSA le regrette. Au regard de la jurisprudence, la qualification en salariés d’un certain nombre de travailleurs des plateformes mérite d’être envisagée.

Au demeurant, le statu quo n’étant pas souhaitable au regard du manque de protection dont bénéficie ces travailleurs et de l’insécurité juridique, le rapporteur fait la proposition d’intégrer certains travailleurs de plateformes (en fonction de l’ancienneté dans l’activité, du chiffre d’affaires…) dans des structures tierces, des entreprises de portage salariale ou des coopératives d’activité et d’emploi (CAE), afin qu’ils puissent bénéficier des protections liées au contrat de travail salarié.

Plusieurs rapports avaient déjà émis l’idée des CAE. En effet, comme le souligne le rapporteur, ce système permettrait à la fois d’étendre les droits sociaux des travailleurs, de préserver leur autonomie dans l’exercice de leur activité et de sécuriser les relations contractuelles.

Pour l’UNSA, cette proposition, si intéressante et élégante soit-elle, ne règle pas suffisamment la responsabilité des plateformes en termes de protection sociale et de conditions de travail et donc en tant qu’employeur, qu’elles ne seront pas directement.

Même si le rapport prévoit une extension de certaines garanties sociales pour les travailleurs n’étant pas intégrés à une structure tierce en raison d’une ancienneté dans l’activité insuffisante, ou encore la rétrocession d’une partie de la commission des plateformes pour régler partiellement le problème du surcoût lié à la mise en place d’un intermédiaire, l’UNSA juge qu’il faut davantage impliquer la plateforme dans la prise en charge du financement de la protection sociale et de l’activité des travailleurs des plateformes.

Sur la question du dialogue social, l’UNSA partage la position du rapport qui privilégie le système de l’accord collectif avec détermination préalable des représentants des acteurs du dialogue. Néanmoins, le rapport prévoit d’organiser le dialogue social au niveau du secteur d’activité sans exclure un dialogue au sein des plateformes elles-mêmes.

L’UNSA préconisait d’organiser le dialogue social en créant une branche nationale interprofessionnelle regroupant l’ensemble des travailleurs des plateformes. La solution qui serait de rattacher à chaque branche existante les travailleurs en fonction des secteurs ne serait pas pertinente et efficace au vu de l’importance de la question du modèle économique et de l’influence des plateformes sur l’économie.

Le rapport « Frouin » défend des élections professionnelles par plateforme avec un scrutin par liste. Les travailleurs des plateformes n’étant pas sur un lieu de travail collectif commun, l’UNSA avance plutôt l’idée d’organiser un mode d’élection calé sur le processus des élections TPE : l’ensemble des travailleurs des plateformes aurait la possibilité de voter pour des organisations syndicales qui respectent les critères de la loi de 2008. Le choix de liste se ferait par marque syndicale et non pour des personnes compte tenu de l’organisation hors lieu du collectif de travail.

Enfin, l’UNSA accueille positivement la proposition de création d’une instance de régulation qui devra notamment encadrer le temps de travail, étendre les droits sociaux des travailleurs et fixer une rémunération minimale qui devra correspondre au SMIC horaire en plus de la couverture des frais d’exploitation des travailleurs.

Ce rapport doit servir de base à la concertation prochaine entre les partenaires sociaux et le ministère du Travail.

L’UNSA continuera de défendre ses revendications qu’elles considèrent légitimes pour apporter protection et sécurité aux travailleurs et renforcer la responsabilité des plateformes sur les conséquences de leurs écosystèmes, notamment dans le cadre d’une nouvelle mission* mise en place par le gouvernement dans l’optique de légiférer par ordonnance sur ces sujets avant le 30 avril 2021.

  • Mission Mettling – Dufour – Trequesser Janvier 2021