Deliveroo : des travailleurs indépendants en état de subordination, sont salariés...

Le tribunal puis la Cour de cassation apportent dans leurs décisions une nouvelle pierre à l’édifice du contrôle d’un état de subordination ou non, des travailleurs indépendants des plateformes de livraison…

Décision - Pourvoi n°20-14.870, Cour de cassation

Le tribunal judiciaire de Paris a condamné la plateforme Deliveroo pour travail dissimilé et jusqu’à un an de prison avec sursis pour ses dirigeants.

Une décision que sera très probablement l’objet d’un appel par la société. La question qui se pose maintenant est de savoir quel sera le raisonnement de la Cour d’appel et sur quel argument se fondera l’appel (c’est-à-dire la requête visant à revoir un jugement pris au premier degré devant une juridiction de degré supérieur).

La Cour de cassation avait déjà rappelé, dans une décision très récente, les moyens pour déterminer si les travailleurs indépendants des plateformes sont dans une relation salariée ou non.

Elle va d’abord étudier la relation professionnelle entre l’individu et son donneur d’ordre et vérifier s’il n’y a pas de lien de subordination.

Toutefois, l’affaire avait une complication supplémentaire puisqu’il existait un contrat. En l’espèce un contrat de location longue durée avait été signé en 2015, entre l’individu et l’entreprise.

Par ce contrat, l’individu devenait un chauffeur partenaire d’une plateforme d’accès en ligne pour trouver des clients. Mais l’entreprise décidait malgré tout de rompre les relations contractuelles, assimilables à un contrat de travail, sept mois plus tard.

On pourrait penser qu’un contrat suffit à caractériser un lien de subordination salarié. Mais, c’est sans compter sur l’analyse depuis presque cinquante ans des éléments de faits qui déterminent la reconnaissance du statut de « salarié » ou non.

La Haute Juridiction estime que la relation de travail ne dépend pas de la volonté des parties et de leur seule signature au bas d’un document, mais de la nature effective de leur relation, si elles sont qualifiables de simplement professionnelles et d’affaires ou de “salariées” ou pas… C’est une question de faisceau d’indices sérieux et concordants. Pour casser le jugement d’appel, la Cour de cassation a souligné que les juges du fond auraient dû rechercher et apprécier les critères de subordination (contrôle, instructions, sanctions, etc.), au lieu de se contenter de la nature du contrat.

Éclairages : Ce jugement est dans la droite ligne des décisions de la jurisprudence sur la détermination de la relation « salariée » (récemment encore, la chambre sociale de la Cour de cassation avait déjà délibéré et rendu un avis et précisé les choses (C. cass. soc.15 décembre 2021 n°21-70.017, https://www.legifrance.gouv.fr/juri…).

Pour des jugements plus anciens : Ass. plén., 4 mars 1983, n° 81-11.647, 81-15.290, Bull. 1983, Ass. plén, n° 3 ; Soc., 19 décembre 2000, n° 98-40.572, Bull. civ. V n° 437 ; Soc., 28 novembre 2018, n° 17-20.079, publié).